lundi 11 avril 2016

Ian Dunbar : Éducation Respectueuse pour une Relation de Confiance

Ian Dunbar nous amène à voir le monde selon le point de vue du chien et comment notre compagnon canin perçoit nos interactions avec lui. Il aborde plusieurs sujets dont entre autre la communication, les différentes méthodes d'éducation et leurs effets sur la relation humain-canin.


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 Retranscription de la conférence de Ian Dunbar  :
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Les chien ont des centres d'intérêt. Ils se reniflent, ils courent après les écureuils. Et si on n'en fait pas une récompense dans le dressage, ce sera une distraction. J'ai toujours trouvé ça effrayant de voir un chien dans un parc et son maître qui l'appelle, «Viens ici», et le chien pense «hum, intéressant. Je renifle le derrière de cet autre chien, mon maître m'appelle» C'est un choix difficile. Derrière, maître -- Le derrière gagne. Vous perdez. Vous ne faites pas le poids face à l'environnement dans le cerveau d'un chien adolescent. En dressant, on tente de toujours prendre en considération le point de vue du chien.

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Je suis ici principalement car, dans l'éducation canine, en ce moment, il y a des gens qui pensent qu'on dresse un chien d'abord en inventant des règles humaines sans tenir compte du point de vue du chien. On lui dit: «tu vas agir comme ça! On va te forcer à agir contre ton gré, à nous obéir.» Et on garde ces règles secrètes, on ne les explique pas au chien. Enfin, on peut punir le chien pour avoir enfreint des règles qu'il ne connaissait même pas Vous avez un chiot -- son seul crime est d'avoir grandi. Quand il était chiot, il posait sa patte sur votre jambe -- c'est adorable -- Vous lui disiez «bon chien!» Vous vous baissiez, vous le caressiez -- vous le récompensiez d'avoir sauté. Sa seule erreur est d'être un dogue du Tibet et, quelques mois plus tard, il pèse 38 kilos. Et chaque fois qu'il saute, il se fait maltraiter. C'est terrifiant à quel point les chiens se font maltraiter.

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À propos de la dominance -- tout d'abord, ce qu'on voit en dressage est une sorte d'interprétation Disney d'un système social très complexe. Et les chiens sont sérieux là-dessus. Les mâles sont très sérieux à propos de la hiérarchie, car ça évite les affrontements physiques. Bien sûr, les chiennes, de l'autre côté, ont plusieurs amendements à la règle hiérarchique mâle. La première est «Je l'ai, pas toi». Une chienne de rang très très bas peut facilement garder un os contre un mâle dominant. On a en éducation canine cette notion de dominance, de mâle alpha.

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Les chiens sont si maltraités. Chiens, chevaux et humains sont les trois espèces souvent maltraitées. La raison est que, programmée dans leur comportement, il y a la notion de toujours revenir s'excuser. «Désolé que vous ayez dû me frapper. C'est ma faute». Ils sont si «frappables». Alors, ils se font frapper. Le chiot vous saute dessus. Si vous ouvrez un livre de dressage, vous lisez: «Tenez ses pattes avant, pincez-les, marchez lui sur la patte, jetez lui du jus de citron sur le visage, frappez-le sur la tête avec un journal, donnez lui un coup sur le ventre, retournez-le.» Parce qu'il a grandi. Parce qu'il fait ce que vous l'avez dressé à faire. C'est de la folie. Je demande aux maîtres «Comment voulez-vous qu'il vous dise bonjour?» Et ils répondent: «Je ne sais pas, qu'il s'assoie, je suppose.» Je réponds «Allons lui apprendre à s’asseoir.» Puis on lui donne une raison de s’asseoir. Car la première étape est de donner au chien des cours de langue. Si je vous dis «Laytay-chai, paisey, paisey» Allez, vous devez faire quelque chose là. Vous ne faites rien? Ah, vous ne parlez pas swahili. Je vais vous apprendre quelque chose, le chien ne parle pas anglais, ni espagnol, ni français.

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La première étape est donc de lui apprendre l'anglais ou la langue de son maître. Et pour ça on utilise une friandise, à cause des maîtres. Ma femme n'utilise pas de friandise. Elle est très douée en éducation, meilleure que moi. Je n'utilise pas de friandise, mais la plupart des maîtres disent: «Le chien, assis.» ou «assis, assis, assis» en faisant un geste devant les fesses du chien, comme si le chien voyait par là. C'est de la folie. «Assis, assis.» «Le chien, assis» -- il comprend après 6 à 10 essais.

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Puis nous enlevons la friandise et le chien sait ce que veut dire «Assis». On peut faire comprendre au chien une phrase correctement construite. «Phoenix, viens ici, prends ça, et va voir Jamie, s'il te plait.» Je lui ai enseigné «Phoenix», «viens ici», «prends ça», «va voir» et le nom de mon fils, «Jamie». Le chien peut transporter un message, et j'ai mon propre chien de secouriste. Il trouvera Jamie où qu'il soit, près de la rivière par exemple, et lui portera le message qui dit «Le dîner est prêt, viens manger.»

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Le chien sait ce qu'on veut qu'il fasse. Est-ce qu'il va le faire? Pas forcément, non. S'il est dans un parc avec des arrière-trains à renifler, pourquoi aller voir le maître? Le chien vit avec vous, il vous voit quand il veut, il peut vous renifler le derrière, si vous voulez, quand il veut. Mais dans un parc, vous êtes en compétition avec des odeurs, d'autres chiens et des écureuils.

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La 2e étape est d'apprendre au chien à avoir envie de faire ce que vous voulez. C'est très simple. On utilise le principe de Premack. On enchaîne un comportement peu fréquent, que le chien ne veut pas faire, avec un comportement fréquent, un «problème de comportement» ou un «hobby de chien» -- quelque chose qu'il veut faire. Et cela devient une récompense pour le comportement moins fréquent. On dit «Assis», sur le canapé. «Assis», chatouilles. «Assis», baballe. «Assis», va voir cet autre chien. Oui, «renifler le derrière» est au programme. «Assis», va renifler.

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Toutes les distractions qui gênaient le dressage deviennent des récompenses. Ce que nous faisons au fond, nous laissons croire au chien qu'il nous dresse. J'imagine ce chien en train de parler à travers le grillage à un akita, «Dis donc, mes maîtres sont faciles à dresser. On dirait des golden retrievers. Je n'ai qu'à m’asseoir, et ils font tout. Ils ouvrent les portes, conduisent ma voiture, me font des massages, lancent des balles, ils cuisinent pour moi et me servent. Je n'ai qu'à m’asseoir, et c'est comme un ordre que je donne: J'ai mon propre portier, chauffeur, masseur, chef et serveur.» Et le chien est vraiment heureux. Pour moi, c'est ça le dressage. On motive le chien à vouloir faire quelque chose, ainsi, le besoin de punir ne vient presque jamais.

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Ensuite vient la phase 3. Il y a des moments où ce sont les parents qui ont raison. J'ai un petit écriteau sur mon frigo, qui dit «Parce que je suis ton père, voilà pourquoi». Pas plus d'explications -- «C'est moi le père, pas toi, assis.» Il y a des moments, par exemple, si un ami de mon fils laisse la porte ouverte, le chien doit comprendre qu'il ne doit pas sortir. C'est une question de vie ou de mort. Si tu sors, si tu quittes le sanctuaire de la maison, tu peux être écrasé dans la rue. Il faut donc que le chien sache, «Tu ne dois pas faire ça.»

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Nous devons donc contraindre, mais sans violence. Les gens ne comprennent pas ce qu'est une punition. Ils pensent qu'une punition doit être quelque chose de méchant. Je suppose que vous le pensez aussi? Vous pensez que c'est quelque chose de douloureux, effrayant ou méchant. Mais pas nécessairement. Il existe plusieurs définitions. La plus populaire est: Une punition est un stimulus qui réduit le comportement immédiatement précédent de sorte qu'il sera moins probable par la suite. Ça n'a pas besoin d'être méchant, de faire peur ou mal. Je dirais même que ça ne devrait pas être le cas.

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Je travaillais avec un chien dangereux qui avait envoyé ses deux maîtres à l'hôpital, ainsi que le beau-frère et un enfant. J'ai accepté de travailler avec lui avec la promesse qu'il resterait à l'intérieur, qu'il ne sortirait pas. Aujourd'hui ce chien à été piqué, mais j'ai travaillé avec lui un moment. Les agressions avaient souvent lieu dans la cuisine. Pendant que j'étais là -- à ma 4e visite -- on a fait 4h30 de «Couché - reste!» avec le chien dans son panier. Il restait là grâce à l'insistance calme de sa maîtresse. Quand le chien voulait sortir de son panier, elle lui disait «Rover, dans ton panier, dans ton panier, dans ton panier». Le chien a essayé de sortir 22 fois pendant les 4h30 où elle préparait à manger. L'agressivité était souvent en rapport avec la nourriture. Les interruptions se sont faites plus rares. La punition fonctionnait. Le comportement à problème disparaissait. Elle n'a jamais haussé le ton. Si elle l'avait fait, elle aurait été mordue. Ce n'est pas un chien sur lequel on crie. Et j'ai des amis qui dressent des animaux fascinants -- des grizzlys. Si vous avez déjà vu un ours à la télé ou dans un film, c'est un ami à moi qui l'a dressé. Des épaulards. Comment est ce qu'on puni un ours brun? "Vilain ours, vilain!" Voum! Votre tête est maintenant à 100 m, dans les airs. C'est fou.

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Où est ce que cela nous mène? Il nous faut une meilleure façon de faire. Les chiens méritent mieux. Mais ma motivation ne vient pas des chiens. À force d'observer des gens éduquer des chiots, je me suis rendu compte qu'ils n'avaient aucun sens de l'interaction, aucun sens des relations. Pas seulement avec le chiot, mais avec le reste de leur famille. Mon exemple préféré est encore un «Viens ici». Vous voyez quelqu'un dans un parc -- je couvre mon micro, je ne veux pas vous réveiller -- il y a un maître dans le parc, son chien est là-bas et il dit «Rover, viens ici! Rover, viens ici! Rover, viens ici, fils de chienne!». Le chien pense «Je ne crois pas.» (Rires) Qui de sensé penserait qu'un chien va vouloir approcher quelqu'un qui hurle comme ça? Le chien se dit «Je connais ce ton, la dernière fois, je me suis approché et j'ai été puni.» Je montais dans un avion -- cet événement a été le moment pivot de ma carrière, j'ai vraiment compris ce que je voulais faire avec cette histoire de dressage -- cette notion d'éduquer les chiots d'une façon sympathique pour les chiens, leur faire vouloir faire ce qu'on veut faire, ne pas avoir à les forcer. Vous savez, j'ai éduqué mon fils comme un chiot. Je montais dans un avion pour Dallas et, assis à côté, il y avait un père -- je pense -- et un enfant de 5 ans. qui frappait le dossier du fauteuil «Johnny, ne fais pas ça.» Tap, tap, tap. «Johnny, ne fais pas ça.» Tap, tap, tap. Je suis juste à côté avec mon sac. Le père se penche, l'attrape comme ça et lui fait une grimace. Il fait comme ça. On s'approche d'un enfant ou d'un chiot, et on dit: «Qu'est-ce que tu fais? Tu arrêtes, arrête!» Je me suis dit «Oh mon dieu, est-ce que je dis quelque chose?» Cet enfant avait tout perdu -- une des 2 personnes auxquelles il pouvait faire confiance dans ce monde venait de le trahir. «Est-ce que je dis à cet idiot d'arrêter?» et j'ai pensé «Ian, laisse, avance.» Et je suis allé au fond de l'avion. Je me suis assis et une pensée m'est venue. Si ça avait été un chien, j'aurais dit quelque chose. (Rires) S'il avait frappé un chien, je l'aurais cogné. Il frappe un enfant, l'attrape comme ça et je laisse faire.

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C'est de ça qu'il s'agit. Les relations ne sont pas si compliquées. Nous les humains, nous sommes superficiels quand nous choisissons un compagnon pour la vie en nous basant sur 3 éléments: couleur de la fourrure, conformation, beauté. Vous voyez, comme un petit robot. On se lance dans une relation comme ça, et tout va bien pendant un an. Puis un problème de comportement apparaît Ce n'est pas différent d'un chien qui aboie. Le mari ne range pas ses vêtements ou la femme est toujours en retard, peu importe. Et ça commence. Il y a deux choses ici. Quand on voit les gens interagir avec des animaux ou d'autres personnes, il y a trop peu de réactions et elles sont trop peu fréquentes. Et quand elles arrivent, elles sont méchantes, mauvaises. On voit ça surtout dans les familles, surtout entre époux, avec les enfants, les parents, au travail, entre employeur et employé. C'est comme si on souffrait de schadenfreude. On aime que les gens se trompent pour pouvoir grogner et se plaindre d'eux.

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Voilà là notre plus grande faiblesse humaine. Vraiment. On prend le bien comme s'il nous était dû et on se plaint du mauvais. Je pense que tout ça devrait être enseigné. Vous savez, les maths c'est super. Quand j'étais jeune, j'étais un crack en maths. Je n'y comprends plus rien aujourd'hui, mais j'aimais ça. La géométrie, fantastique! Et des choses comme la mécanique quantique sont fascinantes. Mais elles ne sauvent pas les mariages et n'élèvent pas les enfants.

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Ma vision du futur et ce que je veux faire avec cette histoire de chiens, c'est enseigner aux gens que, vous savez, votre mari est tout aussi simple à éduquer. Sans doute plus simple. Si vous avez un rottweiler, beaucoup plus simple. Vos enfants sont faciles à éduquer. Tout ce que vous avez à faire, c'est de les observer, de regarder leur comportement et, toutes les 5 min, demandez vous si c'est bien ou mal. Si c'est bien, dites «C'est très bien, merci». C'est une technique d'éducation si puissante, qu'elle devrait être enseignée à l'école. En couple -- comment négocier? Comme négocier avec un ami qui veut votre jouet? Comment préparer votre première relation? Comment élever des enfants? Quand on pense à notre façon de faire -- un soir, on tombe enceinte, puis on élève la chose la plus importante au monde -- un enfant. Voilà ce qu'on devrait enseigner -- la façon de vivre, les bonnes habitudes, qui restent avec nous tout autant que les mauvaises habitudes. Voilà mon vœu pour le futur. Ah, zut, je voulais finir juste à temps, mais il me reste huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux -- merci beaucoup, merci. 

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